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Honorables Président et Commissaires de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples,

Nous félicitons la Commission pour la tenue virtuelle de sa 69ème session ordinaire. Nous saluons l’esprit d’innovation dont fait preuve la Commission dans la poursuite des objectifs pour lesquels elle a été créée, même en cette période de défi que représente la pandémie de COVID-19.

En tant qu’organisation dont l’une des activités principales est le contentieux stratégique en matière de droits de l’homme, nous sommes heureux de constater les progrès réalisés par la Commission dans l’examen de certaines communications en instance et l’adoption de décisions sur le fond. Nous avons pris note de l’engagement de la Commission à réduire l’accumulation des communications en instance et nous vous en félicitons.

Nous restons préoccupés par le problème de l’accès limité du grand public, en particulier de la société civile, au mandat de communication de la Commission. À l’heure actuelle, il n’existe pas de liste des communications en instance devant la Commission accessible au public. De plus, il est arrivé par le passé que la Commission demande à certains plaideurs de ne pas publier les soumissions qu’ils ont faites dans les communications en instance devant la Commission africaine, brandissant l’argument que les procédures sont entièrement confidentielles.

Nous notons que cela est dû à l’interprétation par la Commission de l’article 59 (1) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui prévoit que « toutes les mesures prises dans le cadre du présent chapitre resteront confidentielles jusqu’au moment où la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement en décidera autrement. » L’article 59 implique que toutes les mesures prises par la Commission dans le cadre de sa procédure de communication restent confidentielles jusqu’à ce qu’elles soient examinées par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement. L’interprétation de de cette disposition par la Commission semble être que « tout ce qui est fait ou reçu » par la Commission est confidentiel. Nous soumettons, avec le plus grand respect, que cela n’aurait pas pu être l’intention des rédacteurs de la Charte. Nous soumettons en outre que les rédacteurs de la Charte auraient l’intention par cette disposition de prévoir que toutes les décisions, résolutions et rapports adoptés par la Commission ne doivent être rendus publics qu’après approbation par l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement.

L’interprétation actuelle de l’article 59 par la Commission limite la possibilité pour les organisations et les experts des droits de l’homme de présenter des soumissions à titre d’amicus curiae à la Commission. En l’absence d’accès aux informations relatives aux affaires soumises, les amicus curiae potentiels n’ont aucun moyen de savoir quelles communications sont pendantes devant la Commission, ainsi que les questions abordées dans ces communications.

Nous estimons aussi, humblement, que cette interprétation pourrait favoriser la violation des dispositions de la Charte africaine sur l’accès à l’information.

De plus, cette interprétation empêche les plaideurs de partager d’informations sur les communications en instance dans le cadre de leurs stratégies de plaidoyer sur des questions dont ils cherchent à obtenir de changement. Les organisations de la société civile ont un intérêt légitime à faire connaître leurs affaires, puis que cela peut être utile pour appuyer une campagne de plaidoyer qui peut durer de nombreuses années. Ceci s’avère de plus pertinent dans la mesure où la durée moyenne d’obtenir une décision sur le fond pour des communications devant la Commission va au-delà de sept (7) ans.

À cette fin, nous exhortons la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à adopter une interprétation progressive de l’article 59 qui favorise la diffusion d’informations sur les communications examinées par la Commission, et qui supprime le voile du secret qui entoure le mandat de communication de la Commission.

Nous demandons également que la Commission rende publique sa liste des communications en instance et, tout au moins, un résumé des questions soulevée dans chaque communication, afin de permettre aux potentiels acteurs à titre d’amicus curiae de faire des soumissions qui peuvent enrichir l’examen de ces communications par la Commission.

Honorables Président et Commissaires, nous vous remercions de votre attention.