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Honorable Président et Commissaires de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples,

Honorables Délégués d’États,

Mesdames et Messieurs,

Nous félicitons la Commission pour l’organisation de sa 75ème session ordinaire. Le travail de la Commission est très important pour garantir les droits de nombreuses personnes vulnérables et marginalisées en Afrique.

Toutefois, nous voulons exprimer notre inquiétude et notre préoccupation face à la récente décision de la Commission, contenue dans le communiqué final de la 73ème session ordinaire, concernant le rejet des demandes de statut d’observateur de trois organisations au motif que « l’orientation sexuelle n’est pas un droit ou une liberté expressément reconnu par la Charte africaine » et qu’elle « est en contradiction avec les vertus des valeurs africaines ».

Par cette décision, la Commission africaine a agi contre sa propre jurisprudence et ses normes. Dans la communication 245/02, Zimbabwe Human Rights NGO Forum c. Zimbabwe, la Commission a noté que l’objectif de l’article 2 de la Charte africaine sur la non-discrimination est d’assurer l’égalité de traitement des individus sans distinction de nationalité, de sexe, d’origine raciale ou ethnique, d’opinion politique, de religion ou de croyance, de handicap, d’âge ou d’orientation sexuelle.

De même, la résolution 275 de la Commission sur la protection contre la violence et les autres violations des droits de l’homme commises à l’encontre des personnes sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, réelle ou supposée, affirme l’interdiction par la Charte de la discrimination à l’égard de toute personne en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre.

En rejetant les demandes de statut d’observateur d’Alternative Côte d’Ivoire, de Human Rights First Rwanda et de Synergia – Initiatives for Human Rights, la Commission africaine donne l’impression que les personnes qui défendent ou protègent les droits des personnes LGBTI ne peuvent pas être des défenseurs des droits de l’homme. Cela est contraire à la résolution 376/2017 de la Commission sur la situation des défenseurs des droits de l’homme en Afrique, dans laquelle la Commission a appelé à l’adoption de mesures spécifiques pour reconnaître « le statut des défenseurs des droits de l’homme et protéger leurs droits et ceux de leurs collègues et des membres de leur famille, y compris les femmes défenseurs des droits de l’homme, et ceux qui travaillent sur des questions telles que … l’orientation sexuelle et l’identité de genre. »

En outre, la décision de la Commission de rejeter les demandes de statut d’observateur de ces trois organisations envoie à tous les défenseurs des droits de l’homme du continent le message que la défense des droits des personnes LGBTI limiterait leurs possibilités de participer au système africain des droits de l’homme.

Nous exprimons notre profonde déception à l’égard de la décision de la Commission et demandons donc à la Commission de :

  1. Revenir rapidement sur sa décision de rejeter les demandes de statut d’observateur de ces trois organisations et de remplir son mandat de protection et de promotion des droits de l’homme pour toutes les personnes, comme l’exige l’article 45 de la Charte ;
  2. Assurer le respect, la protection et la mise en œuvre des droits de l’homme conformément aux lois et normes internationales et régionales relatives aux droits de l’homme, à l’abri de toute ingérence politique et en préservant son indépendance dans toutes ses décisions ;
  3. Réaffirmer l’esprit de la résolution 274/2014 dans toutes ses décisions et reconnaître les dangers de la violence et d’autres formes de discrimination à l’encontre des personnes sur la base de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre réelles ou présumées ;
  4. S’engager à protéger tous les défenseurs des droits de l’homme sans aucune discrimination ;
  5. Renoncer aux interprétations restrictives de la Charte qui ont un impact négatif sur le mandat de la Commission de protéger et de promouvoir les droits de l’homme pour tous.

Je vous remercie de votre attention.