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Le 27 Juin 1981, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA, réunis à Nairobi, ont adopté la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), entamant ainsi le voyage trentenaire de la construction du système africain des droits de l’homme. Désireuse d’apporter une contribution africaine au droit international des droits de l’homme, la Charte africaine a réaffirmé l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits de l’homme,  affirmé pour la première fois les droits des peuples, et  fait des devoirs le pendant des droits de l’homme.

Au cours des 30 dernières années, la Charte africaine a grandi structurellement et en substance. Son organisme d’exécution principal, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, fondée le 2 Novembre 1987, a édicté les normes continentales en matière de  droits de l’homme. Elle a affirmé la position africaine sur des questions telles que l’intangibilité des droits de la CADHP et  leur limitation exceptionnelle, la responsabilité des États concernant la jouissance des droits de l’homme sur leurs territoires, ainsi que la reconnaissance du droit au logement et à la nourriture comme implicitement protégé par la Charte africaine. La création de la Cour africaine des droits humains et des peuples, dont la première Magistrature a prêté serment le 2 Juillet 2006, a aidé  l’application de la Charte africaine, avec la capacité de la Cour à rendre des décisions juridiquement contraignantes. Ses premiers jugements sur le fond sont attendus cette année.

Malgré ces progrès louables, certaines zones grises demeurent,  dans la Charte africaine et dans la jurisprudence de la Commission africaine. Un de ces zones grises est la protection des ressortissants contre les expulsions massives. Bien qu’écartée du texte, l’expérience de nombreux ressortissants africains au cours des 30 dernières années, indique la nécessité de protéger officiellement les victimes de telles violations. Bien qu’elle ait jugé une affaire emblématique d’expulsion massive de ressortissants, la Commission africaine n’a pas développé le droit des ressortissants de ne pas être expulsés ni exposé son interprétation de «l’expulsion».

De même, la Charte africaine ne garantit pas le droit à une nationalité. Cette lacune est particulièrement préoccupante étant donné sa position centrale pour la jouissance des droits de l’homme. En effet, le droit à la nationalité a été appelé «le droit d’avoir des droits» et est étroitement lié au problème de l’expulsion massive de ressortissants étant donné que la dénationalisation la précède invariablement. Depuis les années 1970, l’Afrique a connu de nombreuses violations des droits de nationalité, d’individus s’étant vu refuser la nationalité jusqu’aux dénationalisations en masse qui ont alimenté les  guerres civiles et interétatiques dans plusieurs régions d’Afrique.[1] Dans les affaires concernant la citoyenneté, la Commission africaine a  abondamment discuté la non-discrimination alors que le droit à la nationalité, qui en était l’enjeu principal, n’a pas reçu suffisamment d’attention.

La justiciabilité, le contenu et la réalisation empirique des droits socio-économiques sont des questions que les instances juridictionnelles continuer à débattre dans toute l’Afrique. Les institutions africaines des droits de l’homme feraient bien de participer à ce progrès. Ces exemples et bien d’autres zones grises doivent encore être abordés par la Commission africaine et la Cour africaine.

Au-delà du niveau normatif, il existe aussi la nécessité de la mise en œuvre effective des décisions et ainsi qu’un système de surveillance de celle-ci. Malgré la création de la Cour africaine et le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant, la Commission africaine reste l’organisme africain le  plus dynamique africaine en matière de droits de l’homme, et le premier recours pour les personnes incapables de trouver la justice dans leur pays. La mise en œuvre effective de ses décisions, ainsi que leur suivi adéquat, sont essentiels si la Charte africaine veut atteindre son but.

La célébration des  30 ans de la Charte africaine devrait également être un temps pour la réflexion franche. Malgré les développements louables, l’application des garanties de la Charte est beaucoup trop faible, et la connaissance limitée de la Charte africaine elle-même reste préoccupante quand beaucoup ignorent son existence, même au sein de la confrérie juridique et judiciaire. Ces questions nécessitent une attention renouvelée, urgente et novatrice de la part des institutions africaines des droits de l’homme elles-mêmes, des États parties à la Charte africaine aussi bien que de la société civile.

IHRDA a participé, depuis 1998, à certains des développements du système africain des droits de l’homme cités ci-dessus, à travers les contentieux, la formation et l’information. Nous nous réjouissons de contribuer davantage au développement de normes relatives aux droits de l’homme ainsi que d’assurer la sensibilisation la plus large possible  sur les possibilités de justice et de réparation offertes par la Charte africaine et ses organes conventionnels.

IHRDA est honoré d’avoir servi le système africain des droits de l’homme dans ses années de formation et demeure déterminé à travailler avec les organes conventionnels de la Charte africaine durant l’exercice de leurs mandats respectifs.


[1] Voir, Bronwen Manby, Struggles for Citizenship in Africa, Zed Books, Londres/New York 2009, p. 18.